D’un palais à l’autre

2 avril 2018

Notre dernier jour à Marrakech débute par une nouvelle balade culturelle. Partis en milieu de matinée, on est encore surpris par le peu de monde qui circule dans les ruelles. Devant le palais Bahia, pourtant haut lieu du patrimoine culturel du pays, seules quelques personnes personnes patientent pour obtenir un billet. On y entre donc rapidement dans une ambiance plutôt paisible. Derrière la porte, les carreaux et mosaïques défilent sur plusieurs hectares traversant des suites de pièces, de riads, de cours et de jardins aux décors changeants. Moins bien conservé et entretenu, le palais souffre de la comparaison avec l’Alcazar de Séville qui nous avait séduit au premier regard. On y passe néanmoins un bon moment jusqu’à ce que d’importants groupes amorcent bruyamment leur visite…

Sur la place des Ferblantiers voisine, les pièces cuivrées suspendues au dessus des étals dansent avec le soleil. Des dizaines de chats courent dans nos pattes alors que l’on vagabonde entre les bibelots colorés. Au bout des rangées de palmiers, la grande porte nous mène près des remparts du palais où un passant nous entraine par un couloir dissimulé entre deux portes. En un clin d’œil, nous voilà débarqués chez un marchand berbère qui, tout en nous prenant par les sentiments à coup de thé, nous détaille le contenu de sa boutique… Nouvelle leçon de pigeonnage. Dehors, le souk est bondé. Toutes les échoppes sont ouvertes et d’immenses sacs multicolores s’accumulent sur les bords des ruelles. Ça sent la menthe, le thé et les épices sous le toit de bois ajouré. Alors en bons bleus, on s’installe sur un banc, on écoute, on sent, on sirote des liquides chauds et sucrés en apprenant des recettes de grand-mère. Finalement, on passe un bon moment et on a presque plaisir à repartir le sac plein de bazar, de cadeaux et de remèdes miracles qu’on utilisera sans doute rarement.

Tout prêt du souk, le palais Badi est si peu mis en valeur par les guides que l’on aurait pu faire l’impasse dessus sans aucun scrupule. Finalement, en passant devant un peu par hasard, on se décide à faire la visite. Le charme de cet ancien palais dont il ne reste que des ruines inspire bien plus que le palais Bahia. Les cigognes planent au dessus de nos têtes et s’installent sur l’épaisse muraille qui borde le lieu. Partout, la fleur d’oranger égaye les chemins de traverse désertés. On flâne des terrasses aux sous-sols en lisant distraitement les panneaux d’information, souvent déconcentrés par le chant d’une cigogne toute proche. Et, contre toute attente, on aime le palais Badi.

Notre séjour s’achève dans les allées de la Ménara, emblême de Marrakech et finalement la déception du séjour. Après avoir remonté une interminable avenue, le jardin nous a paru bien triste avec cette forêt d’oliviers asséchée. On y passe finalement peu de temps avant de retourner s’étourdir une dernière fois dans le brouhaha de Jemaa El Fna.

Coté pratique

Le logement

Riad Dihya, N 24 Derb Jdid Dabachi Médina, Médina, 40000 Marrakech
Riad plutôt bien situé et proche de Jemaa El Fna. Le petit déjeuner est très copieux et servi sur le toit du riad. Un bémol cependant, il n’y a pas de porte aux salles de bains. A payer en liquide uniquement.

Les visites

Palais de la Bahia, Avenue Imam El Ghazali, Marrakech 40000, Maroc
Du lundi au dimanche, de 9h00 à 17h. Entrée à 10Dh

Palais El Badi, Ksibat Nhass, Marrakesh 40000, Maroc
Du lundi au dimanche, de 9h00 à 17h. Entrée à 20Dh

Les Jardins de la Ménara
Du lundi au dimanche, de 9h00 à 17h. Entrée gratuite.

Les repas

Chez Chegrouni,place Jemaa el Fna
De bons tajines et des tarifs attractifs !

Majorelle et Saint Laurent

1er avril

On s’éveille tôt ce matin là, chatouillés par la lumière et l’air frais qui entrent par les ouvertures de la chambre. Quelques notes chantées par les oiseaux précèdent la sonnerie du téléphone qui nous presse un peu plus. Une fois encore, les souks sont désertés des touristes et commencent tout juste à voir défiler les premiers habitants. A l’ombre des allées, les chats ont pris possession des lieux et traversent dans nos pattes avec nonchalance. On file droit vers la ville, la vraie, qui s’élève derrière les remparts.

Des immeubles sans charme bordent de larges artères passantes, loin des ruelles tortueuses et des échoppes pleines de bric-à-brac. Le brouhaha de la médina a disparu au profit des moteurs de voitures et des klaxons qu’on se surprend à regretter. On arrive peu après l’ouverture du jardin Majorelle dans une allée ombragée et tranquille qui nous réconforte un peu.

L’entrée du jardin est entourée d’immenses bambous qui cachent le soleil. Au fil des pas, on longe de petits bassins où coassent des dizaines de grenouilles à l’ombre de bougainvilliers fleuris. Le bleu Majorelle tapisse villa, bordures, fontaines et canaux disséminés dans un camaïeu de vert et des rangées de cactus en fleurs. Si le début de la visite se fait dans le calme du jardin, nous sommes subitement rejoints par des nuées de touristes qui forment de véritables files d’attente dans le seul but d’immortaliser leur venue devant ces célèbres murs. Le musée berbère, intégré au jardin, permet de quitter quelques minutes la foule de plus en plus importante.

En quittant le musée, les allées nous guident vers la seconde partie du parc, parfois fermée au public. Baignée de soleil, on y trouve une jolie collection d’agrumes qui poussent en pots, en bosquets ou en arbres volumineux. A la sortie du jardin, la file d’attente est impressionnante. Des centaines de personnes attendent au soleil entourées par des vendeurs de chapeaux et de glaces qui ont pris leurs quartiers près d’impressionnantes rangées de taxis.

Quelques mètres plus loin, une nouvelle et longue file d’attente serpente en plein soleil devant le musée Yves Saint Laurent, on se félicite alors d’avoir pris un billet combiné le matin même. Le décor du lieu est épuré et soigné, tout en jeu de lumière. On commence la visite par l’exposition temporaire « robes sculptures de Noureddine Amir » soigneusement mise en scène dans un décor noir ponctué de jeux de miroirs. Il se dégage de cette pièce une ambiance particulière où tous les repères ont disparu. Il est difficile de s’orienter dans cette salle trompe l’œil qui oblige à prendre son temps pour découvrir les robes sculptures. Une première.

Le hall consacré à Yves Saint Laurent est lui aussi particulièrement soigné. Les murs et le sol sont couverts d’un noir d’ardoise sur lesquels s’alignent les plus belles créations du couturier, souligné par un éclairage impeccable. On admire les robes aux lignes soignées quand le décor prend vie. La voix du couturier résonne dans la pièce, d’immenses dessins s’animent sur les murs, comme tracés à la craie dans l’instant. Les croquis s’estompent finalement pour laisser la place à des mannequins qui défilent dans les airs, courant d’un recoin à l’autre avec grâce. Le musée YSL n’est décidément pas comme les autres.

Enfin, l’auditorium Pierre Bergé, tout en bois, propose un mini-documentaire sur l’histoire du couturier que l’on écoute avec intérêt. On y reste une petite heure mais on ne regrette vraiment pas le voyage.

Sur le chemin du retour, le décor matinal et sans vie s’est transformé. Les mobylettes pétaradent de nouveau et slaloment entre les piétons. Elles nous auraient presque manqué. Après un saut rapide à l’hôtel, nous voila partis vers les bains de Marrakech, havre de paix dans cette ville pleine de vie. Les photos ne sont évidemment pas autorisées mais le décor vaut vraiment le coup d’œil. Lumière tamisée, bois sculpté, rideaux vaporeux et couleurs chatoyantes… On opte pour Day Spa Relax et on se laisse guider d’une salle à l’autre, chouchouté par le personnel et requinqué par un thé à la menthe entre chaque soin. On en ressort un peu amorphes mais complètement dé-ten-dus.

Charmés la veille par l’ambiance des souks, on retourne sans se presser vers Mouassine pour une séance de henné dans la médina. Perché sur une minuscule terrasse où deux petites tortues font les cent pas, le Henna café sert uniquement des produits bio. On y sirote un thé tout en consultant le catalogue débordant de motifs plus ou moins imposants et traditionnels. Des livres sont à disposition pour patienter pendant qu’une toute petite bonne femme emmitouflée dans d’improbables vêtements en polaire s’installe à mes côtés pour commencer à dessiner. Les gestes s’enchainent, habiles, précis, et en moins de temps qu’il n’en a fallu pour choisir, me voilà tatouée sur tout l’avant bras (coucou Maman 😉 ). On attend encore un peu que le henné sèche, juste l’occasion de boire le dixième thé à la menthe de la journée, avant que notre artiste revienne recouvrir son œuvre de sucre et de citron. Mon bras ressemble à une pâtisserie orientale, luisante et collante à souhait. La consigne est donnée: interdiction d’y toucher jusqu’à demain. Ah.

Au bout du chemin ce soir là, la Terrasse des Epices installée au sommet du souk Cherifa nous fait de l’œil: alcôves aux couleurs chaudes, vue sur l’Atlas et la Koutoubia, plaids ou chapeaux à disposition et atmosphère un peu bobo. On ne croise ici que des européens mais le décor vaut le coup d’œil. La lumière décline et les flambeaux s’allument peu à peu au cours du repas. Terrasses des épices, terrasse des délices…

Coté pratique

Le logement

Riad Dihya, N 24 Derb Jdid Dabachi Médina, Médina, 40000 Marrakech
Riad plutôt bien situé et proche de Jemaa El Fna. Le petit déjeuner est très copieux et servi sur le toit du riad. Un bémol cependant, il n’y a pas de porte aux salles de bains. A payer en liquide uniquement.

Les visites

Jardin Majorelle, Rue Yves St Laurent, perpendiculaire à l’avenue Yacoub el-Mansour
Tous les jours, d’octobre à avril, de 8h00 à 17h30
Tous les jours, de mai à septembre, de 8h00 à 18h00
Billet combiné pour le jardin, le musée berbère et le musée Saint Laurent: 150 Dh

Les bains de Marrakech, 2 Derb Sedra, Bab Agnaou, Marrakech
Toutes les informations ici: http://www.lesbainsdemarrakech.com/fr/reservation-spa
Attention, les confirmations de réservation mettent beaucoup de temps à arriver.

Henna Café Marrakech, 93 Arset Aouzal, Souikat Bab Doukala, Marrakech
L’endroit parfait pour le henné: on y utilise uniquement des produits bio et naturels et tous les profits sont reversés à une association qui favorise l’éducation. Un petit guide est remis pendant la séance pour apprendre les bases de l’arabe.

Les repas

La terrasse des épices, 15 souk Cherifa, Sidi Abdelaziz
Réservation indispensable. Prix supérieurs à la moyenne mais pâtisseries orientales à tester absolument. Une pâtisserie, au rez de chaussée, permet même de les emporter.

Au cœur des souks

31 mars 2018

Notre journée à la découverte des souks commence dans une ambiance étonnamment tranquille. On s’y prend vers 11h, le temps d’avaler notre immense petit déjeuner et on est à nouveau surpris par le calme. Sous un doux soleil qui chauffe délicatement la peau, Marrakech s’éveille sagement, loin du brouhaha de la soirée. Les stands ouvrent peu à peu et personne ne hèle les passants, même les mobylettes slaloment sans effort et ont arrêté de klaxonner à tout-va. On choisit une rue proche de notre riad avant de s’engager dans les souks au gré de notre inspiration.

Le nez aux vents et le regard errant d’un stand à l’autre, on traverse les ruelles, étudiant les poteries aux décors raffinés, les babouches qui pendent au plafond et les vêtements brodés. Sans y prêter vraiment attention, on déboule sur l’animée Rahba El Kdima, ancien marché au grain envahi de marchandises et porte d’entrée sur de nombreux souks. Les apothicaires y ont élu domicile avec leurs plantes médicinales, poudres odorantes, racines, peaux de bêtes ou lézards séchés (beurk). Un peu plus loin, des centaines de paniers, couffins et corbeilles s’accumulent dans un joyeux bazar coloré. Des tapis suspendus partout face à nous recouvrent des maisons entières et marquent l’entrée du souk Zarbia, incroyablement désert et calme. Quelques timides rayons de soleil s’infiltrent à travers le toit de tôle et donnent un peu de vie à ces allées endormies.

Deux virages plus loin, les ruelles de plus en plus tortueuses s’encombrent de milliers de pièces de ferraille, du lustre majestueux à la babiole la plus anodine. Caverne d’Ali Baba qui brille de mille feux et où résonnent au loin les marteaux des dinandiers, l’endroit regorge des théières, petites lampes ou plateaux ciselés sur lesquels ondule la lumière du soleil ou de dizaines d’ampoules accrochées de toute part. Ça brille. C’est beau. Le souk des bijoutiers voisin déborde lui aussi de breloques qui s’accumulent dans les vitrines ou directement sous les yeux des passants. Au moindre coup d’œil envieux, les marchands vous entrainent dans une série d’essayages au son de traditions plus ou moins ancestrales et de « gazelles » en veux tu en voilà.

On s’enfonce encore dans les méandres de Marrakech quand des rangées de châles et d’étoffes aux mille nuances indiquent l’approche du petit souk des teinturiers. Les écheveaux de laines suspendus au dessus de nos têtes sèchent au soleil. Bleu intense, rouge sombre ou couleurs d’automne ornent des morceaux de bois installés ici et là. Quelques coupelles de colorants trainent sur les étals près de marmites d’un autre âge qui fument abondamment. Au coin d’une rue, on se retrouve emmitouflés dans un chèche indigo avant d’avoir pu dire « ouf ». Seuls les yeux ont été épargnés par ce voile coloré noué habillement par un marchand. D’un geste rapide, il dévoile le visage dans un immense sourire « ça mon amie, c’est la version climatisation berbère ». Comment se faire pigeonner en 3 leçons.

De grandes galeries au plafond de cèdre ont été envahies de vêtements et de babouches de toutes les formes. Elles nous ramènent à la Mouassine, rue pavée aux stands ouverts sur la voie et ornés de volets en bois. On y est presque les seuls touristes au milieu d’une foule dense qui circule entre les pâtisseries, les bazars et les morceaux de viande suspendus à des crochets. On ressort un peu perdus dans une artère où semble se jouer une course de mobylettes qui ne laissent aucune chance aux piétons.

Après des heures de vadrouille, le café Argana offre une pause en terrasse avec vue sur la place Jemaa El Fna et les montagnes enneigées de l’Atlas en toile de fond. Passés les vendeurs ambulants, charmeurs de serpents et hannaya traçant des formes de henné aux couleurs peu naturelles, la Koutoubia s’élève près des vestiges de l’ancienne mosquée. Elle rappelle la Giralda de Séville mais n’est malheureusement pas accessible aux non-musulmans. A ses pieds, baigné de senteurs de fleurs d’orangers, un grand jardin traversé de fontaines ouvre le chemin vers le quartier fortifié.

La Kasbah, entourée de murailles, nous accueille pour le reste de l’après midi. On y trouve les tombeaux saadiens, vestiges d’une civilisation oubliés jusqu’au siècle dernier. L’entrée se fait par un couloir étroit qui débouche dans un jardin insoupçonné de l’extérieur. Les premiers tombeaux, tout de marbre, de cèdre et de stuc sculpté, sont visibles au premier coup d’œil. Pour les autres, plus fastueux, une file d’attente importante serpente le long des allées. Arrivés au bout, on nous presse un peu  pour permettre à tous les visiteurs d’observer les lieux. La visite est finalement assez rapide et il nous faut à peine une heure pour faire le tour du jardin.

La journée s’achève sur les hauteurs de la place Jemaa El Fna avec un couscous aux sept légumes renversant sous des airs de musique orientale au coucher du soleil. Une danseuse rentre dans la salle suivie d’une seconde, les gens se lèvent pour danser au milieu des tables rouges et un petit bout marchant à peine s’avance en tapant dans les mains. Et discrètement, on se laisse surprendre par Marrakech.

Coté pratique

Le logement

Riad Dihya, N 24 Derb Jdid Dabachi Médina, Médina, 40000 Marrakech
Riad plutôt bien situé et proche de Jemaa El Fna. Le petit déjeuner est très copieux et servi sur le toit du riad. Un bémol cependant, il n’y a pas de porte aux salles de bains. A payer en liquide uniquement.

Les visites

Tombeaux saadiens
Entrée par une petite porte à côté de la mosquée El-Mansour dans le quartier de la Kasbah. Entrée: 10Dh. Ouvert tous les jours de 9h à 16h45.

Les repas

Le Marrakchi, 52, Rue des Banques,
Réservation indispensable. Prix supérieurs à la moyenne mais couscous merveilleux. Danse orientale le soir.

Les quatre vallées

29 mars 2018

L’aéroport de Marrakech flambant neuf sent bon le soleil. En quittant le hall vitré, on déboule dans une nuée de taxis. Ça crie, ça interpelle et ça négocie déjà. On s’installe dans une vieille 206 où, surprise, rien n’est prévu pour s’attacher : « La ceinture au Maroc, c’est pour la police ». Ah.

Des mobylettes d’un autre âge pétaradent et couvrent la musique orientale de la voiture. Un air doux entre dans l’habitacle et, quand on oublie d’avoir peur de mourir dans un accident de voiture très proche, on savoure le début des vacances.

En un clin d’œil, nous voilà dans la médina, joyeux bordel aux murs colorés et à l’architecture typique. La Koutoubia apparait au milieu des palmiers et j’observe tout cette agitation les yeux grands ouverts sur un nouveau monde à mille lieues de mes voyages habituels.

Le taxi nous abandonne aux portes de Jemaa el Fna d’où on se perd bêtement pendant près d’une demi-heure, la valise raclant les pavés et accostés toutes les 3 minutes par des guides improvisés. Notre chemin enfin retrouvé, on déboule dans une allée bondée de stands en tout genre où la foule est si dense qu’on en arrive à bouchonner. On nous accoste encore, en bons touristes, jusque devant la porte du riad qui offre une pause de silence et de calme plus qu’appréciable après ce périple involontaire. Note pour l’avenir : ne pas être radin et accepter que l’hôtel vienne nous chercher à l’aéroport.

On prend un peu de temps pour s’installer et découvrir le riad avant de remettre le nez dehors où la foule est toujours aussi dense. Il fait nuit désormais sur la place Jemaa El Fna. Les tambours résonnent, les restaurants ambulants fument de toute part pendant que les vendeurs de jus de fruits pressés nous font de grands gestes depuis leurs stands odorants. L’appel de la prière retentit et couvre un bref instant le bruissement de la place. En attendant notre tajine, deux étages plus haut, on observe la foule qui s’agite et les lumières colorées de cet endroit qui ne semble jamais s’arrêter de vivre.

30 mars 2018

On ouvre les yeux ce matin sous le chant des oiseaux et des coqs qui sonnent le réveil. Le riad est silencieux et rien ne bouge dans les ruelles soudain désertes. L’artère si passante où des dizaines de stands s’entrechoquaient la veille dans un brouhaha confus a changé de visage : elle a désormais des airs d’autoroute à mobylettes qui zigzaguent entre les piétons. Nous sommes les seuls touristes à cette heure et même la place est silencieuse. Les stands ont replié leur bardas et les chats s’agitent à la recherche d’un morceau de poulet oublié ici ou là.

Pour la visite des 4 vallées, on retrouve Morrocco Attractive Tours dans un confortable van que nous partagerons pour la journée avec un couple d’allemands à l’anglais impeccable. Marrakech est baignée de nuages et perd un peu de sa vitalité, même les routes semblent moins agitées. Autour de la ville, le paysage est recouvert d’une poussière rouge persistante qui uniformise le décor.

L’entrée au pays berbère est marquée par un regain de verdure et d’humidité. Des bâtisses qui tiennent parfois par miracle s’accumulent en hauteur et ouvrent des devantures pleines de poteries et d’artisanats. On s’arrête un peu au milieu de nulle part entre deux constructions où attendent une dizaine de dromadaires près d’une tente. Cliché oblige, on s’essaie à une balade dans la brume sur ces colosses avec amusement et avec une maitrise plus ou moins grande au décollage et à l’atterrissage.

Le décor verdit encore, ça tourne et de nombreux arbres fleurissent dans cette vallée arrosée par une pluie fine jusque sur les abords du cours d’eau. Ici, les cerisiers en fleurs colorent la vallée qui s’éveille enfin sous un rayon de soleil. Sur des kilomètres, on traverse des villages baignés par l’eau de la fonte des neiges et de nombreux restaurants se sont installés directement les pieds dans la rivière Ourika. On y accède depuis la route par des ponts suspendus plus ou moins rassurants qui rejoignent terrasses et canapés en cuirs installés sur l’autre rive.

Parmi tous ces restaurants érigés de l’autre côté de la rivière, seule une bâtisse semble s’être implantée près de nous, dans un virage ouvrant la voie vers les montagnes enneigées. Elle est aussi rouge que cette poussière marrakchi qui réapparait de temps à autre sur le trajet. On en pousse la porte pour découvrir l’argan sous ses mille et une formes, racontées par un petit bout de femme qui respire la bonne humeur. Du fruit à la noix, de l’huile aux cosmétiques, du miel à la pâte à tartiner, on nous explique tout ce qu’il y a à savoir sur l’argan avant de nous faire essayer chacun de ses emplois.

Des kilomètres de tables installées dans le lit de la rivière et de terrasses agricoles fleuries sont encore nécessaires pour nous rendre à notre dernière étape avant de quitter la vallée de l’Ourika. Au pied d’une petite ville qui grimpe dans les collines envahies de haies de cactus, un nouveau guide nous attend. Il nous entraine sur un chemin étroit serpentant entre les habitations et les marchands de souvenirs par une salve d’escaliers qui tournicotent. On monte presque seuls entre les terrasses, les tapis, les guirlandes de bijoux et les fontaines improvisées en devinant que le lieu est d’ordinaire bien plus animé. Étrange concept qu’un chemin de randonnée parsemé de boutiques de souvenirs… Les fleurs de cerisiers égayent ponctuellement ce paysage si minéral et, finalement, passés les restaurants aux tagines usées prêtes à servir à nouveau sur des feux de bois, la nature reprend sa place.

Rochers, saules, ruisseau, petits ponts plus ou moins improvisés et terrasses colorées s’entremêlent. La pente se raidit et le chemin escarpé a fini par avoir raison, pour quelques mètres, des terrasses improvisées.  Au dessus de nos têtes, un saule magnifique au vert intense abrite un café qui sent bon la menthe et dont la terrasse donne sur une cascade. On s’y arrête quelques minutes, le temps d’observer ce paysage rocailleux ponctués par quelques touches de couleurs. Le retour est un peu acrobatique, la roche humide et grise glisse mais notre guide, un peu moqueur mais plutôt bienveillant, veille sur ses protégés. Dans le village, des hordes de voitures de tourisme s’accumulent sur les parkings et sur la route et on se félicite d’être partis si tôt.

Dans la vallée voisine d’Oukaimeden, les reliefs sont plus marqués, les pins se mêlent aux terrasses d’arbres fruitiers et la neige coiffe abondamment les sommets. Le décor est multicolore, la terre zébrée de rouge (oxyde de fer), de noir (basalte) et de jaune (cuivre). Les villages sombres sont égayés par le soleil et envahis d’écoliers qui se pressent autour des voitures à chaque arrêt. On serpente sur une route de montagne étroite qui donne une bonne idée du relief. Au bout d’une forêt de pin, on se sent perdu loin du reste du monde.

La vallée verdoyante de Sidi Fares semble vide. On s’installe sur une terrasse dans une maison berbère pour un énorme repas traditionnel composé de soupe, de pain et d’huile, d’olives, d’un tajine, d’un couscous (oui oui les deux dans un même repas) pour finir avec des oranges marinées dans la cannelle et un thé à la menthe. La vue est imprenable, le doux bruit du vent qui court dans les hautes herbes est seulement interrompu des appels à la prière qui courent d’un village à l’autre. Comme Marrakech parait loin.

Notre repas gargantuesque terminé, on traverse une nouvelle zone montagneuse aride et inhabitée où seuls les pics enneigés viennent rompre la monotonie du paysage. La voiture est bien silencieuse et certains passagers, bercés par la route et assommés par un abus de semoule, s’endorment sur la fenêtre. La route débouche finalement sur la vallée d’Asni, bien plus riche que les précédentes. Les nombreux arbres fruitiers qui fleurissent au bord de la rivière confèrent un tout autre niveau de vie à certains habitants. Les maisons semblent plus solides, mieux entretenues et Richard Branson est même venu y construire un luxueux hôtel. On s’arrête peu si ce n’est pour prendre quelques photos sur le bord de la route. Il est temps de repartir vers Marrakech à 60 kilomètres de là.

On file donc sur les hauteurs de l’Atlas qui me charment instantanément. Le plateau du Kik n’inspire que quiétude avec ses champs d’herbe verte et de blé à perte de vues, ses petits troupeaux de vaches ou de moutons conduits par des femmes aux vêtements colorés ou des hommes juchés sur des ânes et ses maisons qui épousent les courbes des collines et se fondent dans le paysage. Les fleurs des champs viennent ponctuellement s’ajouter à ce paysage bucolique et plein de tranquillité. On s’arrête un moment et, à défaut de pouvoir explorer cet univers hors du temps à pied, on partage quelques noix avec une petite fille au grand sourire.

La route vers Marrakech semble bien rectiligne après tous les détours d’une vallée à l’autre. De retour en ville, toute l’agitation est revenue, des mobylettes aux tambours de la grand place. De nouvelles découvertes nous y attendent.

Coté pratique

Le logement

Riad Dihya, N 24 Derb Jdid Dabachi Médina, Médina, 40000 Marrakech
Riad plutôt bien situé et proche de Jemaa El Fna. Le petit déjeuner est très copieux et servi sur le toit du riad. Un bémol cependant, il n’y a pas de porte aux salles de bains. A payer en liquide uniquement.

Les visites

Visite des 4 vallées avec Morocco Attractive Tours
Départ à 8h de la place Jemaa El Fna, 79€ par personne incluant le tour en dromadaire. La journée est dans l’ensemble plutôt réussie et le guide est attentif et disponible. Tous les détails sont ici: http://www.moroccoattractivetours.com/tours/Full-day-tour-from-Marrakech-to-the-Atlas-Mountains-4-valleys-&-lake.php

Pour les photos:
– les fenêtres de la voiture ne s’ouvrent pas ce qui empêchent parfois de prendre toutes les photos souhaitées.
– le guide nous a précisé que les Marocains n’aimaient peu être pris en photo, il est donc demandé de respecter cette habitude et de se limiter autant que possible aux paysages.

Les repas

Taj’in Darna, 50 Place Jamaa El Fna
Tajine aux légumes plein de saveurs mais peu copieux. Vue sur la place Jemaa El Fna depuis l’une des terrasses les plus hautes (et ventilées).