Sur la route 66

28 juillet 2017

Faire de la route aux États-Unis est d’une facilité étonnante. On avale les kilomètres dans nos confortables SUV automatiques et armés de régulateurs sans vraiment se rendre compte des distances parcourues. Pourtant, et pour l’unique fois du séjour, les quelques 60 miles qui nous séparaient d’Amboy nous ont semblés interminables. Le bitume s’étend de façon rectiligne à perte de vue, les abords sont simplement déserts et poussiéreux et rien ne bouge. On se relaie en cours de route tant la concentration parait difficile à maintenir. Nous sommes seuls au monde.

La route 66 pointe finalement son nez après une heure de traversée du désert, comme un oasis abandonné du monde. Ambiance fantomatique dans cette vieille station essence du Roy’s Motel & Cafe. Le vent est chaud, la chaleur un peu assommante et la voiture affiche 115 degrés Fahrenheit. On prend quelques photos, on teste une root beer (sans alcool of course) avant de repartir vers Kingman sur une route heureusement plus animée.

Kingman passée, on retrouve la route 66 et son ambiance un peu particulière. Des trains immenses longent la route et semblent filer à l’infini, des rangées de boites aux lettres fleurissent au bord de l’asphalte sans que l’on devine pour autant de maisons dans ces grandes plaines. La fin de journée s’annonce et avec elle, de douces nuances repeignent le paysage.

On arrive un peu tard au Hackbery General Store, temple de la babiole estampillée route 66, qui a déjà fermé ses portes. Il n’y a plus qu’à jeter un œil aux vitres poussiéreuses avec curiosité avant de flâner le long des vieilles voitures et pompes à essence. On se fait par la même occasion un ami chat qui bronze sur le coffre d’une vieille voiture dans un silence absolu. Le décor est plein de charme, la lumière magnifique et on se félicite presque d’être arrivés en retard.

Encore 35 miles avant d’atteindre l’hôtel. Dans le rétroviseur, on observe le soleil qui s’efface lentement. Quelques gros nuages se forment et des orages éclatent partout autour de nous. Bien à l’abri, on devine les trainées de pluie qui s’abattent au dessus des canyons pendant que d’impressionnants éclairs fendent le ciel. Il fait nuit lorsque l’on arrive à l’hôtel. Par chance, le restaurant prolonge un peu l’ouverture rien que pour nous. On grignote en vitesse avant de préparer les sacs de randonnées et de filer au lit. Demain nous serons levés avant le soleil pour découvrir la plus incroyable des réserves.

30 Juillet 2017

Du fin fond de notre réserve indienne, deux choix s’offrent à nous pour le retour: partir aux aurores à pied ou prendre l’hélicoptère. On opte pour la seconde solution, à la fois pour profiter de l’expérience et pour recharger un peu les batteries avant une journée de route jusqu’au Grand Canyon.

Personne ne se bat pas pour prendre le volant au retour, achevés par cette longue attente. On grignote des restes de cookies et de barres de céréales pour se remettre un peu d’aplomb tout en regardant par la fenêtre, les yeux dans le vide. Dans les grandes plaines qui bordent la route, une antilope d’Amérique apparait au loin comme un fantôme. Elle nous regarde passer un instant et disparait tel un mirage. Le ciel s’assombrit et de nouveaux nuages sombres déversent des torrents de pluie au loin. On ferme doucement les yeux dans le silence de la route pour les rouvrir un peu avant Seligman.

En arrivant, on retrouve le vieux chemin de fer que nous avions déjà croisé près d’Hackberry. De nouveaux klaxons se font entendre, signalant l’arrivée de ces trains à rallonge dont l’Amérique à le secret. Ils longent la petite Seligman qui, plus qu’une ville, ressemble davantage à une longue avenue parsemée de motels et de boutiques à la gloire de la route 66. Autant de musées à ciel ouvert qui offrent une pause bienvenue pour la tête et les jambes. Dans un calme étonnant, on flâne avec curiosité entre les vieilles carcasses de voitures ou de camions, les anciennes pompes à essence et les gift shops qui croulent de souvenirs terriblement tentants et où chacun achète une bêtise inutile avec délice. On ne vit ici que grâce au tourisme et ça se sent. Les décors sont savamment mis en scène et on entretient avec soin une ambiance fifties. Avant de reprendre la route, le RoadRunner nous héberge le temps d’un repas plutôt sympa dans cette petite bourgade au charme désuet.

45 minutes plus tard apparait Williams, la plus dynamique des localités historiques de la Route 66 en Arizona. Célèbre pour avoir été la dernière à être encore traversée par la Route 66 originelle, Williams parait nettement plus encrée dans la vie actuelle que sa voisine Seligman. La rue principale est animée, baignée de la musique des restaurants et diners qui se sont installés entre les magasins et les panneaux vintage. Vu l’heure, on n’y passe qu’un bref instant, plus court que l’on aurait pu le souhaiter, juste le temps de s’imprégner un peu de l’ambiance. En repartant, on passe devant la gare où trône The Train, vieille machine de métal tirée par une locomotive à vapeur à l’aspect tout aussi ancien.

Arrivés à l’hôtel en toute fin de soirée sous un ciel toujours plus menaçant, une bonne surprise nous attend: un surclassement pour toutes nos chambres. Après avoir déposé les valises et lancé un pari idiot, on court vers la piscine, plus que fraîche, pour terminer cette longue journée.

Coté pratique

Le logement

Grand Canyon Inn and Motel, 317 South State Route 64, Val, AZ 86046
Un point de départ proche du Grand Canyon avec piscine. Petit déjeuner non inclus mais proposé à la carte.

Les visites

Roy’s Gasoline, 87520 National Trails Hwy, Amboy, CA 92304
Pour l’expérience de la route 66

Hackberry general store, 11255 E Hwy 66, Hackberry, Kingman, AZ 86411
Ouvert tous les jours, du lundi au dimanche. De 9 h à 18 h d’avril à octobre, de 10 h à 17 h de novembre à mars

Les repas

RoadRunner, 22330 West Old Highway 66, Seligman, AZ 86337-0805

Les chutes d’Havasu

29 Juillet 2017

La sonnerie du réveil nous tire d’un profond sommeil ce matin là. A moitié conscients, on ferme nos sacs de randonnées déjà bien chargés et on boucle nos valises. Il fait encore à moitié nuit lorsque l’on ferme notre petite maison du Grand Canyon Caverns Inn. Depuis Peach Springs, il faudra près d’une heure et demi de route pour atteindre le Hualapai Hilltop, point de départ d’une randonnée qui restera gravée dans les mémoires. A mesure que le soleil se lève et perce les nuages, d’agiles wapitis traversent la route sans se soucier le moins du monde de notre présence. La journée commence bien.

Il est tout juste 7h lorsque nous arrivons sur le parking. Quelques courageux ont passé la nuit dans leur van et se réveillent doucement. Le nombre de voiture déjà présentes inquiète un peu et, surtout, nous surprend dans cet endroit perdu au bout du monde. Avant de partir en expédition, une dernière vérification des sacs à dos s’impose: les valises ne seront rouvertes que dans 24h.

Au bord du parking, la vue sur le canyon impressionne. Les couleurs, le décor, l’ambiance… Le chemin descend doucement le long de la roche rouge à l’ombre des falaises. Des chevaux remontent le sentier équipés des sacs à dos bien chargés de randonneurs qui n’avaient plus le courage de les porter. Le soleil réchauffe un peu l’ambiance et amène de nouvelles couleurs au paysage déjà grandiose. Le début sentier traverse une grande plaine entourés de falaises où tous les groupes de randonneurs se suivent avec le sourire, impatients de découvrir la réserve indienne.

A mesure que l’on avance, on semble s’enfoncer de plus en plus profondément dans le canyon. Au bout de quelques kilomètres, les parois se rapprochent et l’ombre enveloppe le sentier. En marchant la tête en l’air pour admirer ce décor incroyable, on surprend quelques corbeaux qui nous suivent avec application. Devant nous, des écureuils traversent la chemin de temps à autre avant de filer dans les rochers en poussant des cris stridents. L’herbe se raréfie et les cactus commencent à apparaitre ici et là. La randonnée est finalement bien plus facile que l’on avait pu l’envisager et on se félicite d’être partis tôt pour éviter la chaleur.

13 kilomètres plus tard, des dizaines de photos et de la poussière partout… nous voilà arrivés à Supai, cœur de la réserve indienne des Havasupai, « peuple des eaux bleu-vert » et uniques habitants permanents du Grand Canyon. A cette heure, l’endroit est déserté et la chaleur se fait ressentir. Notre premier arrêt sera l’office de tourisme où l’on pensait récupérer nos permis, indispensables à la circulation dans la réserve. Ambiance glaciale lorsque l’on pousse la porte, ce qui n’est pas uniquement lié à la climatisation qui tourne à plein régime. A peine arrivés, on nous renvoie sèchement vers le lodge pour y récupérer le précieux document. On s’exécute un peu surpris pour finalement retrouver le même genre d’attitude à l’hôtel. Une fois les clés et le permis récupérés, on prend quelques instants pour pique-niquer avant de filer à la découverte des chutes tant attendues.

Un peu plus de 2km sont nécessaires pour rejoindre les Navajo falls, premier contact réel avec cette eau à la couleur incroyable. Créées après une inondation importante en 2008, les chutes nous charment instantanément. L’occasion parfaite pour une baignade, même un peu fraiche, dans ces eaux turquoises. De petits bassins se sont formés au sommet de la chute semblables à des jacuzzis naturels. Plus en aval, une véritable chute d’eau s’écrase sur des roches rouges, transformées en plongeoir. On y croise des randonneurs venus se laisser porter sur d’énormes bouées et d’autres qui peinent à mettre les pieds dans l’eau (chaussures aquatiques largement conseillées !).

Encore mouillés, on emprunte le chemin de sable vers les Havasu falls sous un soleil de plomb. Au plus près des falaises rouges, le bruit de l’eau se fait entendre bien avant que l’on aperçoive quoique ce soit. En contrebas, la vision de cette chute de près de 30 mètres est une merveille de couleurs. Après quelques clichés, on décide de poursuivre sans s’arrêter vers le camping pour profiter du temps clément. On y trouve des dizaines de tentes et quelques hamacs directement suspendus au dessus de l’eau claire. Encore plus d’un kilomètre à faire avant la prochaine surprise.

Merci à François pour sa photo 😉

Notre premier contact avec les Mooney falls est bien différent des précédentes chutes. On ne distingue pas encore la cascade mais déjà les panneaux d’information et de rappel « Descend at own risk » s’imposent. Pour atteindre la rivière, il faut traverser de petits tunnels creusés directement dans la roche. A la sortie, un escalier abrupte orné de chaines donnent le ton. Certains font demi tour devant l’impressionnante vue. La roche glisse, la poussière rouge colle aux chaussures et des échelles de bois à la stabilité toute relative viennent s’ajouter au tableau. Arrivés en bas, la brume de la cascade nous entoure et dessine quelques arcs en ciel. Au dessus de nos têtes, le ciel se couvre pourtant et on hésite un long moment à poursuivre la randonnée vers les Beaver falls. Le souvenir des violents orages aperçus la veille nous dissuadent finalement, et à regrets, de continuer.

Encore 5km sont nécessaires pour retourner au lodge où nous attendent nos réserves de viandes séchées, de barres de céréales et de pompotes pour un repas des plus équilibrés. Le ciel noir n’aura finalement été qu’une passade et le soleil se couche doucement sur les roches rouges qui nous entourent. Il n’y a pas un bruit dans la réserve seulement perturbée par quelques chiots qui s’amusent. Supai parait coupée du reste du monde.

30 Juillet 2017

Du fin fond de notre réserve indienne, deux choix s’offrent à nous pour le retour: partir aux aurores à pied ou prendre l’hélicoptère. On opte pour la seconde solution, à la fois pour profiter de l’expérience et pour recharger un peu les batteries avant une journée de route jusqu’au Grand Canyon. Tous les récits de voyageurs sur le sujet nous avaient alertés, les places sont chères et il faut souvent faire la queue tôt le matin pour avoir une chance d’arriver au sommet avant le début d’après midi. L’hélicoptère ne décolle qu’à partir de 10h et commence par embarquer les locaux avant de s’intéresser aux randonneurs. Envoyé en éclaireur, l’un des nôtres nous réveille en trombe à 5h30: il y a déjà plus de 30 personnes dans la file d’attente.

Dans l’urgence et un peu dans le coma, on remballe toutes nos affaires avant de partir en courant vers la zone de décollage. Des touristes ont organisé un système de liste qui permet aux premiers arrivés de s’inscrire afin que l’ordre de décollage soit respecté sans provoquer de cohue. C’est le début d’interminables heures d’attente pour remonter au sommet. A 10h, on commence à se dire qu’on aurait déjà pu être dans la voiture et je regrette infiniment de ne pas être partie à pied. Alors que l’on ne l’attendait plus, le bruit des pales et du moteur se fait entendre. On observe pour patienter le va et viens des colis suspendus au bout d’une corde, le ballet des passagers et les deux armoires à glace qui chargent les affaires avec nonchalance. Enfin notre tour arrive. On s’installe avec soulagement pour observer le paysage. Il ne faut finalement que quelques minutes pour regagner notre point de départ et retrouver nos voitures garées sagement à proximité.

Personne ne se bat pas pour prendre le volant au retour, achevés par cette longue attente. On grignote des restes de cookies et de barres de céréales pour se remettre un peu d’aplomb tout en regardant par la fenêtre, les yeux dans le vide. Dans les grandes plaines qui bordent la route, une antilope d’Amérique apparait au loin comme un fantôme. Elle nous regarde passer un instant et disparait tel un mirage. Le ciel s’assombrit et de nouveaux nuages sombres déversent des torrents de pluie au loin. On ferme doucement les yeux dans le silence de la route pour les rouvrir un peu avant Seligman.

Coté pratique

Le logement

La réservation du lodge ne se fait que par téléphone et il faudra fournir ses coordonnées de carte bleue. La confirmation se fera par courrier et il faut être patients… il nous aura fallu près de 3 mois pour recevoir le fameux courrier !
Pour les tarifs: une chambre de 4 vaut environ $145 par nuit + $40 de frais auxquels s’ajoutent 10% de taxes
Il faudra également régler $50 par personne pour l’entrée dans la réserve. Le décor a un prix !

La randonnée

Navajo Falls : 1.3km du lodge
Havasu falls : 3 km du lodge
Monkey Falls : 4.7km du lodge
Beaver Falls : 8km du lodge

Havasu