Une journée de Mars pluvieuse est parfois l’occasion de découvertes lumineuses à côté de chez soi. On parcourt l’Europe pour finalement se souvenir que Paris n’est qu’à quelques minutes de train et qu’il serait sans doute temps de s’y intéresser de plus près. En sortant du métro ce samedi après-midi-là, je me rappelle pourquoi les visiteurs sont si nombreux à venir à Paris… et à l’Opéra.
Tous les touristes connaissent et visitent l’Opéra, gardant dans un coin de leur tête les histoires de fantôme, espérant voir la fresque de Chagall et la salle de spectacle recouverte de velours rouge. Sans doute n’ont-ils pas tous la chance de le découvrir comme nous, après la fermeture du public, comme seuls au monde dans les couloirs majestueux du palais Garnier.
17h, au milieu d’une petite foule de visiteurs, une voix s’élève. « Le groupe A avec moi ». Une frêle silhouette tout de noir vêtue s’avance. Notre guide n’est pas toute jeune et parait bien triste de prime abord. Elle nous entraine à travers un couloir sobre et sombre avant d’arriver à la première porte. Rita nous observe un instant et, avec son accent du nord de l’Europe, commence à raconter. Sous la Rotonde des Abonnés, pensée par Garnier comme la première étape d’un parcours initiatique à travers le palais, Rita nous ouvre les yeux sur tous les détails cachés dans le décor. Elle nous apprend à repérer les lettres cachées dans la coupole, les signes astrologiques, les instruments et les symboles… Il s’agit d’habituer son regard et de se laisser guider par l’architecte qui a voulu, à chaque étape, nous éblouir davantage.
« Cherchez bien sur la rotonde, vous y trouverez « 1861-1875 Jean Louis Charles Garnier »«



Au premier virage, la Pythie nous accueille et déjà le décor s’enrichit. On s’en approche un peu, rapidement attirés par les marches qui l’entourent. Les premiers regards les suivent et se lèvent vers une nef de marbre haute de trente mètres.



La lumière blanche pique un peu les yeux et on préfère imaginer les lieux sous les premiers éclairages au gaz, chaleureux, vacillants et mystérieux. On rêvasse face à cet escalier plein de couleurs, un peu écrasés par tant de grandeur. Nous sommes si peu nombreux que l’opéra semble nous être réservé. L’histoire des lieux nous est contée en fond sonore, récits de construction ou des plus belles robes gravissant les marches.






Le couloir menant aux loges est l’occasion pour Rita de nous plonger dans les histoires d’amour contrariées du fantôme de l’opéra; entre romance, rêve de gloire et passion de la musique. Le silence est religieux autour de notre guide toujours habitée par son récit. Un bruit dans le couloir fait soudainement sursauter les visiteurs captivés par un lac souterrain mystérieux, des passages aux secrets bien gardés et des lustres s’effondrant dans la foule. Ses derniers mots sont accueillis par de chaleureux applaudissements qui couvrent les rares sons émanant de la salle de spectacle voisine.
En attendant la fin de la répétition qui se joue, notre guide nous entraine vers le grand foyer, sorte de réplique miniature d’une galerie des glaces dont il n’a que peu à envier. Son plafond coloré et baigné de lumière nous raconte l’histoire de la musique. Les lyres qui nous accompagnent depuis le début de la visite se font plus belles et plus détaillées que jamais. Les lustres étincellent. Les miroirs se succèdent. A chaque extrémité, les petits salons du Soleil et la Lune à l’allure presque mystique offrent une étonnante parenthèse.




Nous terminons finalement par la salle de spectacle conçue dans la tradition des théâtres à l’italienne avec sa succession de loges et de balcons. Dorures, marbre, velours rouge et cristal, le décor est, comme promis, toujours plus riche. On s’installe dans les fauteuils pour écouter les dernières anecdotes et observer les lieux. Sur le plateau, qu’il est interdit de photographier, les techniciens s’agitent pour effectuer les derniers réglages, insensibles au décor qui les entourent.
« On de dit pas la scène ici, on parle de plateau. La Seine, elle, coule à Paris ».
Au dessus de leur tête, la fresque de Marc Chagall et ses couleurs vives surprennent, détonnent presque. Elle restera cependant la dernière image de la visite.




En regagnant la sortie, on jette un dernier coup d’œil à cet escalier majestueux et aux couloirs mystérieusement déserts. Combien de passages secrets se dissimulent réellement derrière le marbre froid? Combien de secrets abritent encore les loges ou les coulisses? Si les murs du palais Garnier pouvaient parler, ils auraient certainement autant d’histoires que Rita à raconter.
La visite
Tous les samedis à 17h, après la fermeture au public.
8 Rue Scribe, 75009 Paris
Entrée adulte 17,50€.
Réservation en ligne indispensable : https://www.cultival.fr/visites/les-mysteres-du-palais-garnier-apres-fermeture-au-public-a-partir-du-01012016