Renards des fjords

2 novembre 2019

Tout juste un an après la fin d’un premier périple en Islande, le retour sur cette ile est un enchantement. Cette fois, la route nous entraine vers les fjords de l’Ouest, plus sauvages et isolés. Peu de touristes s’aventurent ici, moins de 10%, et ils sont encore plus rares en hiver.

La route est un peu longue depuis Keflavik et nous roulons pendant des heures, presque une journée entière. Le paysage changeant, entre eau et montagnes, plaines enneigées ou prairies colorées est toujours aussi charmant. On ne croise personne à part quelques moutons et poneys, l’asphalte semble nous avoir été réservé. Les premiers fjords arrivent finalement, à la fois tortueux et majestueux, offrant des panoramas jamais croisés l’an dernier. On s’arrête enfin dans l’un d’eux, au bout d’un chemin plein de cailloux et de terre.

Au milieu de nulle part, l’auberge de Heydalur est entourée de grandes prairies ou se promènent des dizaines de poneys. On s’arrête au restaurant à l’intérieur tout en bois en plein après-midi, accueillis par deux adorables chiens, un perroquet bavard et une petite grand-mère. Elle nous sert du poisson pêché dans le ruisseau voisin directement après notre commande (on la voit nous le ramener dans une grande bassine !) et une cargaison de pommes de terre. Un bonheur après tant de route.

La maison propose également l’accès gratuit à ses sources chaudes. Deux bassins extérieurs sont accessibles ainsi qu’une sorte de piscine lovée au milieu d’une serre désordonnée. Un drôle de nuage de vapeur flotte dans la serre où les arbres perdent leurs feuilles. On est à nouveau seuls, à peine dérangés par le chat de la maison en pleine ronde quotidienne. Si le bain d’eau chaude est agréable, en sortir est un autre sport. Les vêtements laissés dans la serre sont humides et froids, le sol glacé. On file à la voiture pour se réchauffer et reprendre la route dans la pénombre jusqu’à Sudavik.

A Sudavik, nous sommes accueillis par un couple de français installés ici depuis des années. Rencontrés via Air BnB, ils ont eu la gentillesse de repousser la fermeture du guesthouse pour nous. Ce soir, ils nous entrainement pour un cours de photo de nuit. Stephanie et Rodolphe prennent leur temps, vérifient notre matériel, se renseignent, conseillent… Ils passent près d’une heure avec nous avant même le début de l’excursion. On embarque finalement avec eux dans la nuit noire et froide pour tout apprendre de la photo de nuit. Un moment parfait, plein d‘astuces, de conseils et d’exemples. Nous restons plusieurs heures dehors à explorer toutes les possibilités tout en devinant de timides aurores boréales dans le ciel. Il est presque 2h du matin lorsque nous rentrons. On s’écroule après une journée de 20h dans nos couettes moelleuses et douillettes. Demain matin, il faudra se lever avant le soleil.

3 novembre 2019

Ce matin, Rodolphe nous entraine dans les highlands. Il fait à peine jour quand nous arrivons sur place pour une journée de cache-cache avec les renards polaires. Notre guide nous apprend tout des renards. Leurs habitudes, leurs liens compliqués avec les Islandais mais aussi le caractère et l’histoire de chaque individu. On apprend par la même occasion qu’il existe deux types de renards polaires en Islande : les gris qui vivent sur les bords des fjords et se nourrissent grâce aux marées et les blancs qui chassent dans les montagnes.

Nous voilà partis, emmitouflés dans des vêtements sombres, pour planquer au bord de l’eau ou dans les herbes hautes en espérant observer ces petits mammifères timides dans leur pêche du matin. On attend, immobiles, impatients et plus attentifs que jamais. Les minutes passent, les heures sans doute aussi. Le froid et l’humidité saisissent et il faut se rendre à l’évidence : les renards ne viendront pas.

On poursuit la balade dans un décor majestueux aux couleurs chaudes parfois dissimulées sous une fine couche de neige et de glace. Partout, le sol est recouvert de bosquets de myrtilles et de baies. D’épais buissons donnent l’impression de marcher sur de la moquette, on rebondit presque en dévalant les pentes. De l’autre côté du fjord, la réserve de Hornstrandir parait nettement moins hospitalière, l’accès y est d’ailleurs quasiment fermé en cette période. On marche des heures, à l’affut, dans ce paysage magnifique. Par chance, le soleil ne nous lâche pas de la journée et on aurait presque chaud malgré les températures qui frisent le zéro. Malgré tout le savoir de Rodolphe, malgré tous les indices repérés (les renards laissent plein d’oursins sur leur passage !) aucun renard ne se montre. Résignés, on prend le chemin du retour en baissant la garde.

Et puis soudain, ils apparaissent. De l’autre côté d’un méandre, deux petits renards gris tranchent avec les herbes hautes. Ils nous repèrent vite et s’enfuient, leur pelage d’hiver au vent. On peine à réaliser tant la surprise est grande. Motivés comme jamais, on reprend la quête, impatients de les retrouver. Une demi-heure passe encore. Ils ont disparus.

Alors qu’on pourrait penser que le sort s’acharne, elle apparait. Une petite femelle blanche dort sagement dans les buissons. Tofa devrait vivre nettement plus en altitude, chasser les oies sauvages et se dissimuler dans la neige. Pourtant elle est là. Notre guide nous fait signe, nous donne toutes les clés pour l’approcher sans l’effrayer. Sac à dos resserré et téléobjectif autour su cou, me voilà partie dans les milliers de myrtilles encore gelées, grimpant dans la pente abrupte avec les mains. Il est tard désormais et la lumière change. Le ciel devient blanc et il est difficile de repérer la petite femelle. Un pas devant l’autre, un peu au hasard, il faut surtout veiller à être silencieuse. Elle est enfin là. Encore quelques pas.

C’est le moment qu’ont choisi les buissons pour me rappeler à l’ordre. En un clin d’œil je me retrouve enfoncée jusqu’à la taille, une jambe probablement passée dans une ancienne tanière.

Tofa lève la tête, me regarde longuement sans me voir. Par chance, les renards ont une mauvaise vue et distingue surtout les contrastes. Le cœur battant et avec toutes les précautions du monde, je sors de mon trou et continue mon chemin. Toujours plus près. Cette fois Tofa me voit, elle se lève, m’observe. Je m’assieds sans bouger et lui laisse tout le temps de décider.

La rencontre est belle, sans doute la plus belle de toutes. Le monde s’arrête de tourner quelques secondes, le temps d’un regard, d’un accord. Les rêves de photographie animalières prennent soudain vie. Elle est magnifique. Son pelage blanc immaculé et ses longs poils lui donnent des airs de peluches. Son petit nez noir et ses grands yeux en amande lui donnent un air doux et charmeur. Tofa me laisse m’approcher encore, changer de place et prendre des dizaines de clichés.

Des étoiles dans les yeux, il est finalement temps de la laisser continuer son chemin.

On retourne à la voiture, lessivés mais heureux, emplis d’une tendresse infinie pour ces petites créatures. Sur la route, Rodolphe nous berce encore d’anecdotes sur son parcours, son métier et leur vie paisible dans les fjords mais surtout, il nous parle encore d’animaux. C’est sans doute ce qu’on aura préféré chez Rodolphe : son immense amour et respect pour les renards. Il nous rappelle constamment que nous sommes chez eux, simples visiteurs et que la rencontre est une chance. Elle n’en est que plus belle.

Coté pratique

Le logement

Sudavik Guesthouse, 20 Túngata, 420 Súðavík, Islande
Accueil chaleureux et chambres confortables. Un salon et une cuisine commune permettent de s’installer après avoir cuisiné son repas (des économies de restaurants bienvenues en Islande !)

Les activités

A la fois guide et photographe, Rodolphe est sans hésiter la personne à recommander. On avait choisi cette balade car elle se veut respectueuse de l’environnement et des animaux : ici pas de nourrissage, pas d’appât, pas de selfie douteux ou d’animaux domestiqués. Juste de la patience, de la connaissance, du respect et du travail. De belles valeurs dans un superbe décor.

La rencontre avec les renards est un de ces moments qu’on ne peut jamais oublier. Il est impossible de regretter cette expérience que l’on conseille sans la moindre hésitation. Environ 200$.

Le cours de photo de nuit est également un très bon souvenir. On apprend plus en quelques heures qu’en des semaines de pratiques. Environ 120$.

Pour réserver c’est ici ! Dites leur bonjour pour nous !

Les Repas

Auberge Heydalur, Heydalur 401 Ísafjörður
Pour un repas au cœur des fjords et une pause baignade