Les quatre vallées

29 mars 2018

L’aéroport de Marrakech flambant neuf sent bon le soleil. En quittant le hall vitré, on déboule dans une nuée de taxis. Ça crie, ça interpelle et ça négocie déjà. On s’installe dans une vieille 206 où, surprise, rien n’est prévu pour s’attacher : « La ceinture au Maroc, c’est pour la police ». Ah.

Des mobylettes d’un autre âge pétaradent et couvrent la musique orientale de la voiture. Un air doux entre dans l’habitacle et, quand on oublie d’avoir peur de mourir dans un accident de voiture très proche, on savoure le début des vacances.

En un clin d’œil, nous voilà dans la médina, joyeux bordel aux murs colorés et à l’architecture typique. La Koutoubia apparait au milieu des palmiers et j’observe tout cette agitation les yeux grands ouverts sur un nouveau monde à mille lieues de mes voyages habituels.

Le taxi nous abandonne aux portes de Jemaa el Fna d’où on se perd bêtement pendant près d’une demi-heure, la valise raclant les pavés et accostés toutes les 3 minutes par des guides improvisés. Notre chemin enfin retrouvé, on déboule dans une allée bondée de stands en tout genre où la foule est si dense qu’on en arrive à bouchonner. On nous accoste encore, en bons touristes, jusque devant la porte du riad qui offre une pause de silence et de calme plus qu’appréciable après ce périple involontaire. Note pour l’avenir : ne pas être radin et accepter que l’hôtel vienne nous chercher à l’aéroport.

On prend un peu de temps pour s’installer et découvrir le riad avant de remettre le nez dehors où la foule est toujours aussi dense. Il fait nuit désormais sur la place Jemaa El Fna. Les tambours résonnent, les restaurants ambulants fument de toute part pendant que les vendeurs de jus de fruits pressés nous font de grands gestes depuis leurs stands odorants. L’appel de la prière retentit et couvre un bref instant le bruissement de la place. En attendant notre tajine, deux étages plus haut, on observe la foule qui s’agite et les lumières colorées de cet endroit qui ne semble jamais s’arrêter de vivre.

30 mars 2018

On ouvre les yeux ce matin sous le chant des oiseaux et des coqs qui sonnent le réveil. Le riad est silencieux et rien ne bouge dans les ruelles soudain désertes. L’artère si passante où des dizaines de stands s’entrechoquaient la veille dans un brouhaha confus a changé de visage : elle a désormais des airs d’autoroute à mobylettes qui zigzaguent entre les piétons. Nous sommes les seuls touristes à cette heure et même la place est silencieuse. Les stands ont replié leur bardas et les chats s’agitent à la recherche d’un morceau de poulet oublié ici ou là.

Pour la visite des 4 vallées, on retrouve Morrocco Attractive Tours dans un confortable van que nous partagerons pour la journée avec un couple d’allemands à l’anglais impeccable. Marrakech est baignée de nuages et perd un peu de sa vitalité, même les routes semblent moins agitées. Autour de la ville, le paysage est recouvert d’une poussière rouge persistante qui uniformise le décor.

L’entrée au pays berbère est marquée par un regain de verdure et d’humidité. Des bâtisses qui tiennent parfois par miracle s’accumulent en hauteur et ouvrent des devantures pleines de poteries et d’artisanats. On s’arrête un peu au milieu de nulle part entre deux constructions où attendent une dizaine de dromadaires près d’une tente. Cliché oblige, on s’essaie à une balade dans la brume sur ces colosses avec amusement et avec une maitrise plus ou moins grande au décollage et à l’atterrissage.

Le décor verdit encore, ça tourne et de nombreux arbres fleurissent dans cette vallée arrosée par une pluie fine jusque sur les abords du cours d’eau. Ici, les cerisiers en fleurs colorent la vallée qui s’éveille enfin sous un rayon de soleil. Sur des kilomètres, on traverse des villages baignés par l’eau de la fonte des neiges et de nombreux restaurants se sont installés directement les pieds dans la rivière Ourika. On y accède depuis la route par des ponts suspendus plus ou moins rassurants qui rejoignent terrasses et canapés en cuirs installés sur l’autre rive.

Parmi tous ces restaurants érigés de l’autre côté de la rivière, seule une bâtisse semble s’être implantée près de nous, dans un virage ouvrant la voie vers les montagnes enneigées. Elle est aussi rouge que cette poussière marrakchi qui réapparait de temps à autre sur le trajet. On en pousse la porte pour découvrir l’argan sous ses mille et une formes, racontées par un petit bout de femme qui respire la bonne humeur. Du fruit à la noix, de l’huile aux cosmétiques, du miel à la pâte à tartiner, on nous explique tout ce qu’il y a à savoir sur l’argan avant de nous faire essayer chacun de ses emplois.

Des kilomètres de tables installées dans le lit de la rivière et de terrasses agricoles fleuries sont encore nécessaires pour nous rendre à notre dernière étape avant de quitter la vallée de l’Ourika. Au pied d’une petite ville qui grimpe dans les collines envahies de haies de cactus, un nouveau guide nous attend. Il nous entraine sur un chemin étroit serpentant entre les habitations et les marchands de souvenirs par une salve d’escaliers qui tournicotent. On monte presque seuls entre les terrasses, les tapis, les guirlandes de bijoux et les fontaines improvisées en devinant que le lieu est d’ordinaire bien plus animé. Étrange concept qu’un chemin de randonnée parsemé de boutiques de souvenirs… Les fleurs de cerisiers égayent ponctuellement ce paysage si minéral et, finalement, passés les restaurants aux tagines usées prêtes à servir à nouveau sur des feux de bois, la nature reprend sa place.

Rochers, saules, ruisseau, petits ponts plus ou moins improvisés et terrasses colorées s’entremêlent. La pente se raidit et le chemin escarpé a fini par avoir raison, pour quelques mètres, des terrasses improvisées.  Au dessus de nos têtes, un saule magnifique au vert intense abrite un café qui sent bon la menthe et dont la terrasse donne sur une cascade. On s’y arrête quelques minutes, le temps d’observer ce paysage rocailleux ponctués par quelques touches de couleurs. Le retour est un peu acrobatique, la roche humide et grise glisse mais notre guide, un peu moqueur mais plutôt bienveillant, veille sur ses protégés. Dans le village, des hordes de voitures de tourisme s’accumulent sur les parkings et sur la route et on se félicite d’être partis si tôt.

Dans la vallée voisine d’Oukaimeden, les reliefs sont plus marqués, les pins se mêlent aux terrasses d’arbres fruitiers et la neige coiffe abondamment les sommets. Le décor est multicolore, la terre zébrée de rouge (oxyde de fer), de noir (basalte) et de jaune (cuivre). Les villages sombres sont égayés par le soleil et envahis d’écoliers qui se pressent autour des voitures à chaque arrêt. On serpente sur une route de montagne étroite qui donne une bonne idée du relief. Au bout d’une forêt de pin, on se sent perdu loin du reste du monde.

La vallée verdoyante de Sidi Fares semble vide. On s’installe sur une terrasse dans une maison berbère pour un énorme repas traditionnel composé de soupe, de pain et d’huile, d’olives, d’un tajine, d’un couscous (oui oui les deux dans un même repas) pour finir avec des oranges marinées dans la cannelle et un thé à la menthe. La vue est imprenable, le doux bruit du vent qui court dans les hautes herbes est seulement interrompu des appels à la prière qui courent d’un village à l’autre. Comme Marrakech parait loin.

Notre repas gargantuesque terminé, on traverse une nouvelle zone montagneuse aride et inhabitée où seuls les pics enneigés viennent rompre la monotonie du paysage. La voiture est bien silencieuse et certains passagers, bercés par la route et assommés par un abus de semoule, s’endorment sur la fenêtre. La route débouche finalement sur la vallée d’Asni, bien plus riche que les précédentes. Les nombreux arbres fruitiers qui fleurissent au bord de la rivière confèrent un tout autre niveau de vie à certains habitants. Les maisons semblent plus solides, mieux entretenues et Richard Branson est même venu y construire un luxueux hôtel. On s’arrête peu si ce n’est pour prendre quelques photos sur le bord de la route. Il est temps de repartir vers Marrakech à 60 kilomètres de là.

On file donc sur les hauteurs de l’Atlas qui me charment instantanément. Le plateau du Kik n’inspire que quiétude avec ses champs d’herbe verte et de blé à perte de vues, ses petits troupeaux de vaches ou de moutons conduits par des femmes aux vêtements colorés ou des hommes juchés sur des ânes et ses maisons qui épousent les courbes des collines et se fondent dans le paysage. Les fleurs des champs viennent ponctuellement s’ajouter à ce paysage bucolique et plein de tranquillité. On s’arrête un moment et, à défaut de pouvoir explorer cet univers hors du temps à pied, on partage quelques noix avec une petite fille au grand sourire.

La route vers Marrakech semble bien rectiligne après tous les détours d’une vallée à l’autre. De retour en ville, toute l’agitation est revenue, des mobylettes aux tambours de la grand place. De nouvelles découvertes nous y attendent.

Coté pratique

Le logement

Riad Dihya, N 24 Derb Jdid Dabachi Médina, Médina, 40000 Marrakech
Riad plutôt bien situé et proche de Jemaa El Fna. Le petit déjeuner est très copieux et servi sur le toit du riad. Un bémol cependant, il n’y a pas de porte aux salles de bains. A payer en liquide uniquement.

Les visites

Visite des 4 vallées avec Morocco Attractive Tours
Départ à 8h de la place Jemaa El Fna, 79€ par personne incluant le tour en dromadaire. La journée est dans l’ensemble plutôt réussie et le guide est attentif et disponible. Tous les détails sont ici: http://www.moroccoattractivetours.com/tours/Full-day-tour-from-Marrakech-to-the-Atlas-Mountains-4-valleys-&-lake.php

Pour les photos:
– les fenêtres de la voiture ne s’ouvrent pas ce qui empêchent parfois de prendre toutes les photos souhaitées.
– le guide nous a précisé que les Marocains n’aimaient peu être pris en photo, il est donc demandé de respecter cette habitude et de se limiter autant que possible aux paysages.

Les repas

Taj’in Darna, 50 Place Jamaa El Fna
Tajine aux légumes plein de saveurs mais peu copieux. Vue sur la place Jemaa El Fna depuis l’une des terrasses les plus hautes (et ventilées).

Un avis sur “Les quatre vallées

  1. Très beau portait qui me rappelle mon enfance passée au Maroc. La vallée de l’Ourika et l’Atlas…de vrais joyaux.
    A lire ce reportage et à regarder les photos, je sens les bonnes odeurs de menthe, d’épices, je salive de manger un tajine, et j’entends ce brouhaha de Marrakech. C’est comme là-bas dis !

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